Le billet de Jean-Guy Marceau
Les deux pieds sur le bord du feu de camp, Mireille pense à ses vacances qui sont déjà terminées. Deux semaines, ça passe vite. Il fait tellement beau, les enfants sont enfin couchés et, dans l’air, flotte comme un parfum de vanille. Le voisin Jimmy (qui s’appelle en réalité Eric… c’est une autre histoire) a mis pour la troisième fois son CD de Enya. Le camping est bondé et Mireille apprécie vraiment cette dernière soirée à son camping. Un autre verre de Bailey’s, un tout dernier, pense-t-elle.
Sa sœur Pierrette, la snob de la famille, est partie plus tôt avec son insignifiant de Rolland (c’est une autre histoire). Elle prétextait un mal de dent. Mireille qui croyait qu’elle n’avait que des couronnes, enfin. La visite c’est amusant quand ça arrive et c’est très bien quand ça part, songe-t-elle. Elle fait tourner la glace de son drink dans un immense ballon et songe à l’été qui file et à son retour au travail. Elle a autant envie de retourner au bureau que de se faire une lasagne au poulet. Deux semaines au camping avec son mari Denis et ses deux filles. Le bonheur en parachute, le vrai, celui qui est gratuit, celui qui goûte le hot-dog moutarde relish, celui qui fait du bien. Il a fait beau et chaud. Deux semaines à ne rien faire, à ne penser qu’à son petit monde. Stress zéro comme dans Ouimet. Ses piles sont à peine rechargées qu’elle envisage son retour.
La tête penchée sur son verre glacé, les yeux dans la graisse de bine, elle sniffe l’alcool et boit le moment présent. Mireille se prépare mentalement. Elle appréhende son premier lundi matin.
Sandra, la secrétaire déprimée, lui racontera ses déboires amoureux… une vraie perdante, un caniche agité qui jappe sans jamais mordre. Sa collègue d’en face, au contraire, lui fera regretter subtilement et méchamment d’être partie si longtemps :
– « Deux semaines, c’est effrayant ! »
Son patron Nick, qui en est à son seizième tournoi de golf depuis la Saint-Jean, brillera par son absence. Finalement, Olivier, le nouveau commis de 19 ans, lui avouera son amour inconditionnel envers le caniche agité (qui est déjà marié, mais c’est une autre histoire).
Bon retour au bureau Mireille.
Il est presque minuit et Denis dort depuis presque deux heures. Elle
l’entend ronfler, cela la rassure, le repos du guerrier. Cet après-midi, les filles étaient à la piscine et le temps était bon. Rien de tel qu’une sieste dans la roulotte avec l’être aimé pour se refaire une santé… Tant pis pour la mise en plis…( mais c’est une autre histoire).
Le feu pétille dans le foyer et, dans le lac, les ouaouarons bavassent. Le ciel est garni d’étoiles, Mireille cherche la Grande Ourse, elle la trouve à la cime d’une épinette, géante et fière. Les gougounes appuyées sur le bord du foyer, elle pense que l’été lui fait un beau clin d’œil, et elle a bien raison.
