Une partie du public présent à la rencontre.
Malgré les efforts louables d’une équipe d’experts en foresterie pour expliquer la situation des frênes dans le Boisé Saint-Paul et ailleurs au Québec, l’opération d’abattage d’arbres morts ou malades laisse un goût amer à certains résidents de l’Île, qui se battent pour conserver coûte que coûte chaque pouce carré de terrain vert.
Texte de Pierre Lussier
Photos de Carole Pelletier
Ils étaient environ une cinquantaine de citoyens à prendre place dans une partie de la grande salle du Centre Elgar qu’on divise avec des cloisons amovibles. La mairesse Marie-Andrée Mauger a amorcé la rencontre en soulignant son attachement à ce boisé, qu’elle a qualifié « de joyau » pour Verdun, mais aussi pour Montréal et le Québec. Les experts du Service des Grands Parcs de la Ville de Montréal, ainsi que les responsables de l’arrondissement engagés dans ces travaux, ont expliqué le contexte pour justifier l’abattage de frênes après avoir fait une description des caractéristiques de cette forêt urbaine en milieu humide. Les ravages de l’agrile du frêne sont catastrophiques pour la survie même de l’espèce, nous rappelant la disparition presque totale de l’orme américain, victime de la maladie hollandaise de l’orme, entre 1950 et 1970.
Ici, à L’Île-des-Sœurs, on sait que la bataille contre l’agrile du frêne est perdue, car la destruction est trop avancée pour espérer y remédier malgré les avancées récentes aux États-Unis.
Un inventaire pour dédramatiser la coupe
L’ingénieur forestier Xavier Noël-Monastesse a précisé que la coupe ne toucherait que 5 % des arbres vivants dans le boisé. L’ingénieur a noté la présence de 1200 frênes morts dont plusieurs seront conservés tels quel, car ils servent de nids pour la faune. À noter qu’il y a 87 chicots à l’hectare dans le boisé, alors que la normale est de 20, et qu’on espère réduire à 67 leur nombre par hectare – Un chicot en foresterie est un arbre mort dont il ne reste debout qu’une partie du tronc sans ses branches. – C’est d’ailleurs la présence d’arbres morts à proximité des sentiers et près des résidences qui a déclenché l’alerte sans oublier les entraves au développement de la végétation en raison de la quantité de bois mort au sol. Environ 986 frênes devront être abattus, selon l’ingénieur Monastesse.
La régénération suscite l’espoir
Compte tenu de la disparition d’arbres, ce qui a pour effet de créer des clairières propices à la prolifération de plantes indésirables notamment le nerprun, il faudra compenser la régénération naturelle par la plantation d’arbres plantés à la main afin de ne pas utiliser de machinerie lourde dans le boisé. Frédérique A. Beaulieu, responsable du dossier à l’arrondissement a parlé d’espèces indigènes qu’on devrait commencer à planter dès le printemps prochain. En 2025-2026, on doit réparer les passerelles des sentiers et épandre de la poussière de roche là où c’est nécessaire. Madame Beaulieu en a profité pour rappeler le travail d’entretien du boisé par le groupe Nature Action, mandaté par l’arrondissement.
Un hiver trop doux entraînerait
le report de l’abattage d’arbres
On nous a également expliqué l’importance de ne pas trop piétiner le sol humide du Boisé Saint-Paul, afin de ne pas nuire à la régénération naturelle du site. Pour ce faire, on coupera les frênes et les chicots d’arbres morts à la hache, en évitant l’usage des scies mécaniques et de la machinerie lourde… pour déplacer les troncs. On ne va pas dessoucher les arbres abattus pour ne pas trop endommager la flore environnante, sans oublier que les troncs et les souches servent d’habitat aux insectes et à d’autres résidents de la forêt. Il faudra toutefois sortir du Boisé Saint-Paul un certain nombre de troncs d’arbres morts qui jonchent le sol et empêchent les jeunes arbres de pousser.
L’ingénieur forestier a rappelé qu’on profitait de l’hiver et du sol gelé pour effectuer ces travaux d’abattage sans risquer de propager l’agrile du frêne, tout en préservant le sol. Il ne faudrait pas que l’hiver se déroule en périodes de gels et dégels, de redoux sans couverture de neige et avec des sols boueux, une éventualité qui forcerait la Ville de reporter l’opération à l’hiver 2025-2026. L’obtention par la Ville de Montréal d’un certificat du ministère de l’Environnement autorisant le projet d’abattage a suscité quelques échanges laconiques avec des membres du groupe des Amis du Boisé, présents dans la salle, aussi en contact avec le ministère, pour tenter de faire annuler cette certification.
Pump Track ou pomme de discorde
Le projet de pump track (piste à rouleaux) à L’Île-des-Sœurs n’était pas à l’ordre du jour de la séance d’information sur le Boisé Saint-Paul. Pourtant, le sujet n’est pas passé inaperçu et les opposants au site d’implantation du projet, qui ont fait valoir la proximité de la forêt et tout le dérangement pour la faune des environs. Au chapitre de la lumière, même tard en soirée, un des responsables du projet a parlé d’un éclairage ambré qui ne fonctionnera qu’à la demande, aux heures d’ouverture des parcs. On n’a pas fini d’en parler !