Un billet de Jean-Guy Marceau
C’est presque toujours sa mère qui choisit son costume d’Halloween. Encore cette année, c’est en magicien que Julien arpentera les rues de Verdun. À dix ans il aurait son mot à dire… Non ? Un magicien c’est poche, songe-t-il. Personne ne croit à cela et puis, ce n’est pas épeurant un magicien. Sa mère qui n’est pas très bonne en couture lui a confectionné une carpe noire avec une doublure d’un vieux manteau d’hiver. C’est pas très beau, c’est plutôt très laid. Un jeans noir, une grande chemise blanche usée de son père Daniel, une baguette improvisée et un chapeau haut de forme en carton noir de Dollarama.
Le 31 octobre, c’est avec une certaine frustration qu’il sonnera aux portes des maisons décorées et invitantes de son quartier de Crawford Park. Sa sœur, plus jeune, sera déguisée en citrouille ; elle sera comme emprisonnée dans un sac de vidange orange rempli de vieux tissus, orné des dessins de citrouilles, de sorcière et de chauve souris. Elle portera une perruque orange en aluminium et des lunettes énormes en plastique noir. Quelle horreur ! Julien préfère de loin son triste magicien.
À deux jours de l’Halloween c’est à l’école que le malaise opère. C’est la journée que l’école a choisi pour célébrer cette fête. Les élèves sont non seulement autorisés mais encouragés à se déguiser. Le concours du meilleur costume. Oh malheur ! Julien aurait aimé prendre les
traits d’un zombie ou d’un personnage de « squid game ». Son (best) meilleur ami Marc Olivier se réincarnera en Mario Bro, le chanceux pense-t-il. Il est sept heures et sa maman, fière, sort les costumes du placard. -C’est qui celui qui va faire de la magie toute la journée à l’école aujourd’hui ? -C’est qui la belle chanceuse qui va parader en citrouille dans le corridor ?
La petite Marine répond avec innocence : -C’est moi maman, puis c’est Juju (lire zuzu, il lui manque deux dents d’en avant) qui va être le magicien !
Misère, Julien imagine déjà les élèves de sa classe de cinquième lui demander de faire de la maudite magie. Il connaît rien là-dedans la magie. Mauvais choix, mauvaise idée. Comment faire pour détourner ce défi sans que sa mère en soit vexée ? Sa maman ne contrôle pas juste la boite à lunch on dirait. Il lui vient une idée, il n’y a rien comme une bonne paire de ciseau, deux ou trois crayons de maquillage pour pousser sa créativité au maximum et à vitesse grand V. Il entre dans la salle de bain, déchire sa chemise, fait quelques trous dans son chapeau, se noircit les yeux et se crée des marques de sang sur le visage et sur le corps. Il sort des toilettes devant sa mère qui applaudit l’initiative, tout en exécutant quelques retouches. Il passera la journée à être un zombie morbide. Une réussite qui le marquera sûrement. Au cours de la journée, les juges ont décerné le premier prix à un élève de quatrième, déguisé… en magicien !
