Par Marek Zielinski
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Quand les mots nous manquent devant une œuvre d’art, ce qu’elle nous touche, au-delà des mots justement. Peut-être que les mots perdent de leur pertinence – il faut juste sentir, sans forcément chercher à définir ce ressenti, au risque de le réduire, circonscrire, enfermer dans des formules toutes faites.
Les tableaux de Carmen Smutneac me font cet effet là. Ils nous emportent loin, dans les recoins de notre mémoire et de notre imaginaire. Les mots nous ramènent de retour, alors qu’on aimerait y rester plus, indéfiniment.
Les mots, je n’en dispose que de quelques centaines pour parler de cette grande artiste et de son art. Je suis donc condamné (et damné pour le faire) à réduire, tourner autour, sans jamais mettre le doigt sur l’essence de sa création. Je m’y lance quand même.
Dans sa Roumanie natale, Carmen acquiert une formation solide en arts plastiques, soutenue dans cela par la tradition artistique familiale : un père architecte, une mère peintre. En 1997, Carmen et ses deux enfants atterrissent à Verdun, et ne le quittent plus. L’endroit séduit Carmen, qui y trouve des similitudes avec sa ville d’origine. Elle s’implique dans la vie culturelle au sein de plusieurs organismes et associations, notamment Empreintes d’artistes et Artistes de la Terrasse du Forum économique. Plusieurs expositions et événements plus tard, son implication lui a valu le prix du public, particulièrement appréciée : c’est une preuve tangible que la rencontre artiste-public a eu lieu, que son art résonne et touche. Carmen fait aujourd’hui partie des artistes permanents de deux galeries : l’Iris à Baie-St-Paul, et le Nob Hill à Québec.
Son art puise en profondeur dans notre imaginaire collectif, dans les mythes, légendes. Il est en même temps libre, hors normes et courants, n’obéissant qu’à sa propre logique, créant ses propres mythes. Pour paraphraser un poète : « le chemin n’existe pas, il se créé en marchant ». Il se défriche à coups de pinceaux et de spatule, se fige par les couleurs et les formes.
Les références qui viennent à l’esprit inscrivent l’art de Carmen Smutneac dans un vaste monde symbolique, où elle côtoie Gustav Klimt et Marc Chagall, nourris par la multi culturalité de l’Europe centrale. Malgré cet ancrage dans une tradition millénaire, l’art de Carmen est surtout celui de la liberté, de l’affranchissement, du détachement. Étrange, onirique, éthéré, transcendant : autant de définitions mais aucune complète… Son art fugue, se refugie dans sa propre folie, existe suspendu hors du temps. Peut-être n’existe-il que ce bref instant où notre regard se pose, ou plutôt s’abîme, en lui.
Pour la rubrique Chapeau aux gens et aux lieux de ma communauté