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Lundi, 17 novembre 2025

Verdun + Île-des-Sœurs
NOUVELLES

Apprendre au contact de la nature

(Texte Pierre Lussier)

J’aimerais vous proposer un voyage dans le temps, à une époque où le Stade olympique n’existait pas et les terrains vacants étaient encore nombreux dans l’est de la ville. J’avais six ans et ma mère m’avait inscrit à l’école de l’Éveil du Jardin botanique de Montréal. 

Quel périple en autobus ! Pourtant la récompense était au bout du chemin lorsque je franchissais fièrement la grille du Jardin où j’apprenais le nom des arbres et des plantes. C’était en 1956, et l’herbier que j’ai réalisé à l’Éveil m’a toujours ramené au plaisir de nommer les choses qui nous entourent. C’est en réfléchissant sur l’expérience de L’Éveil et les pratiques pédagogiques innovatrices de la fondatrice Marcelle Gauvreau que j’ai trouvé avec L’Ancre des Jeunes de Verdun, une démarche qui rapproche les élèves de la nature. 

Rappelons que l’Éveil n’est ni un camp de jour ni une école primaire reconnue par le Conseil de l’Instruction publique du Québec, l’ancêtre du ministère de l’Éducation créé en 1964. L’école de l’Éveil utilise les locaux qu’on veut bien lui attribuer au Jardin botanique à partir de 1939. Le programme d’initiation aux sciences naturelles conçu par Marcelle Gauvreau s’adresse d’abord aux enfants de 4 à 7 ans sur un mode préscolaire, une heure par semaine, avec, en fin de session, des attestations et des récompenses. Les cours débutent en automne et se terminent avec le retour de la belle saison, et des jardinets d’écoliers du Jardin botanique, une tradition qui a survécu à l’Éveil hélas disparue avec le décès en 1968, de celle qu’on appelait affectueusement Tante Marcelle.

Nature et horticulture à L’Ancre des Jeunes

L’Ancre des Jeunes, cette ressource pour prévenir le décrochage scolaire et favoriser le retour à l’école, est née en 1991, à l’initiative de l’enseignant Jacques Morin. L’Ancre soutient la persévérance et le raccrochage social et scolaire en offrant un milieu éducatif adapté aux besoins des jeunes décrocheurs.

Depuis plusieurs années, L’Ancre des Jeunes s’intéresse à l’horticulture, d’abord en proposant un atelier où les jeunes semaient des haricots, des concombres et des fines herbes en plein mois de janvier dans une jardinière dotée d’un éclairage adéquat pour les plantes. Cet atelier de fin de journée, dirigé à une certaine époque par l’animateur et écologiste Jean-François Caron (Karon), était très populaire. 

Puis, il y a eu des plantations dans la ruelle derrière les locaux de L’Ancre. Et maintenant, L’Ancre a une serre sur le toit. 

Diversifier nos ateliers

La directrice de L’Ancre, Jacinthe Roberge, note qu’on développe un intérêt pour les sciences naturelles ici en atelier. Les jeunes apprennent à cultiver des plantes et à faire leur propre potager. Pour certains, ça devient une vocation et même une passion. Après les leçons et les devoirs, les élèves participent à divers ateliers selon leurs goûts et leurs aptitudes à L’Ancre, dont l’horticulture. Dès que le printemps se montre le bout du nez, les jeunes qui ont semé des graines quelques semaines auparavant, placent leurs petits pots dans la serre, et voilà que des plantules se mettent à croître sous les rayons du soleil.

Développer l’estime de soi

À L’Ancre des Jeunes depuis deux ans, Selina Burgess, intervenante académique en anglais, est aussi très impliquée en horticulture. Selina nous parle des bacs en façade près de l’entrée principale de L’Ancre. Ces boîtes à fleurs permettent de cultiver des fines herbes, comme de la ciboulette et des légumes que les passants peuvent cueillir gratuitement.

Les élèves de l’atelier horticole participent également au Jardin du Pacifique près de la piscine du parc Therrien. Ce jardin collectif produit des légumes et s’inscrit bien dans le concept de terre nourricière. Ces projets sont formateurs ? Bien sûr, car les jeunes ont le sentiment de redonner à la communauté, selon Selina qui insiste en précisant, « qu’on utilise ce qu’on cultive ». Se déplacer à l’extérieur, sortir de ses réseaux sociaux habituels et apprendre en pleine nature en travaillant de ses mains dans un potager, quel programme extraordinaire ! 

L’intervenante rappelle que 93 % des jeunes décrocheurs qui ont fréquenté L’Ancre au cours des années sont retournés à l’école ou dans une formation. Permettez-moi de croire que les métiers reliés à l’environnement et la biodiversité, au jardinage et à l’horticulture en général    attireront de plus en plus de jeunes qui fréquentent L’Ancre.

Vous me direz, les bénéficiaires de L’Ancre sont plus vieux que les élèves de L’Éveil, c’est vrai quoique Marcelle Gauvreau a enseigné quelquefois à des pré-ados en adaptant son approche.  

Dans la prochaine édition, nous aborderons l’agriculture urbaine et le rôle que L’Ancre des Jeunes souhaite jouer dans ce vaste projet verdunois.

(Ce reportage a bénéficié du soutien du programme des Bourses d’excellence de l’Association des journalistes indépendants du Québec) 

LÉGENDES DES PHOTOS

Marcelle Gauvreau tenant un bouquet de fleurs, circa1930

Archives UQAM

Fonds d’archives Marcelle Gauvreau. 7p020-f3-3

Classe de l’École de L’Éveil en 1950 : Marcelle Gauvreau retient l’attention en tenant un hamster dans ses mains.

(Archives UQAM. Fonds d’archives Marcelle Gauvreau, 7P-610:01:F3/26)

Marcelle au tableau 1945-46

Archives UQAM

Fonds d’archives Marcelle Gauvreau 7P-610-01 f 3-21 (1)

Selina Burgess et Jacinthe Roberge de L’Ancre tenant des boîtes de plantes en serre.

(Photo Alain Laroche)

Enfant qui vérifie un plan en train de germer.

(Photo Selina Burgess)

Jeunes de l’aide aux devoirs dans la serre

(Photo Selina Burgess)

Élève de L’Ancre qui transplante des fines herbes dans un bac.

(Photo Selina Burgess)

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