Texte Marek Zielinski
Recherche Luz Garcia de Zielinski
À 76 ans, les clarinettes de la retraite sonnent pour la majorité des gens, mais – Robert Bellemare n’est pas, et on s’en aperçoit très vite quand on lui parle, comme les autres, oh non! Il suit son propre chemin, à son rythme, en bonne compagnie de ses filles et du reste de la famille. Ralentir? C’est envisageable, mais partir à la retraite, aussi bien méritée qu’elle soit – oublions ça, M. Bellemare déborde trop d’énergie et d’idées pour se limiter à mouiller une canne et somnoler en attendant que ça morde.
Le propriétaire depuis 2008 de l’épicerie Métro sur la rue de l’Église, M. Bellemare emploie entre 80 et 90 personnes à Verdun, et plus de 400 dans ses autres succursales. En 2019, juste avant que la pandémie éclate, il entreprend d’importantes rénovations au coût de six millions de dollars. Durant les années Covid, M. Bellemare et toute son équipe ont fait l’impossible pour garder l’épicerie ouverte. Il fallait jongler avec les horaires des employés, leurs postes, la gestion du trafic à l’intérieur du magasin (souvenez-vous des files d’attente à l’extérieur pour pouvoir entrer). Finalement, l’entreprise est sortie agrandie et plus soudée que jamais.
La collaboration du public y contribue pour beaucoup. Sans stationnement propre, oubliez les courses hebdomadaires, avec des chariots pleins à craquer. Avec plus de 2000 transactions par jour, c’est la fréquence qui importe sur le volume d’achat. On y revient souvent, parfois tous les jours, et on noue des relations beaucoup plus étroites avec le personnel. Et de ce personnel, M. Bellemare prend un grand soin – c’est sa famille. À l’acquisition en 2008, il a hérité d’une ribambelle des problèmes : conflits avec les syndicats, absentéisme, accidents de travail. À force de persévérance, de diplomatie et de créativité, l’ambiance de travail est au beau fixe.
Son secret? Il le dévoile spontanément : aimer ce qu’on fait, et faire ce qu’on aime! Relisez ces mots plusieurs fois, car il s’agit probablement du meilleur conseil qu’on puisse recevoir. Il faut toute une vie pour le formuler, ce conseil, et surtout, pour l’incarner. Tout a commencé à l’enfance, quand le jeune Robert, natif de Verdun, a commencé à placer les produits sur les étagères du commerce de son père, le vrai pionnier et inspiration pour son fils.
Le monde de jadis offrait moins de distractions, travailler était une manière de côtoyer les gens, de sortir. Un pique-nique au Natatorium équivalait aux vacances en République dominicaine; une triple séance de cinéma, organisée par le Club juvénile de police, avec comme prix d’entrée une boîte de conserve pour aider les plus démunis, constituait un événement dans la vie bien rangée et bien occupé de jeune Robert. Les temps ont changé, mais les valeurs acquises dès le jeune âge demeurent et se transmettent à la génération suivante. Les deux filles de M. Bellemare, Manon et Mylène, épaulent leur père dans la gestion de l’empire familial, qui compte s’agrandir encore.
Si la retraite n’est pas envisageable, un ralentissement a déjà été amorcé. À 76 ans, M. Bellemare fait encore acte de présence dans son magasin régulièrement. Il conseille d’ailleurs la même transition graduelle à ses employés, dont plusieurs approchent le fameux âge de la retraite.
Le 5 novembre prochain, M. Robert Bellemare, déjà personnalité d’affaires de février 2020, a reçu un prix qui lui tient particulièrement à cœur : Prix Hommage carrière, décerné également par le Réseau Affaires de Verdun. Toute la différence vient de là : une distinction de sa ville natale, là où tout a commencé. À la remise de ce prix, c’est le petit Robert, haut comme trois pommes, qui est allé le cueillir, avec une pensée tendre pour son papa, pour sa mère, pour ses enfants – et peut-être pour nous tous, ses concitoyens parfois anonymes qui fréquentent depuis si longtemps son magasin.
