COURRIER
Venez admirer mes dernières feuilles avant la fin de l’automne. Je devrai m’incliner devant les lames des scies rondes et je serai disparue au début du printemps prochain.
Moi, qui vous regarde du haut des cimes de mes branches depuis des dizaines d’années,
je vous tire ma révérence, chers amis.ies et citoyens.nes de L’Île-des-Sœurs, car par nature, je ne sais qu’être silencieuse.
J’ai aimé vous apporter de la fraîcheur lors des chaudes soirées d’été. J’ai aimé le changement des saisons et ses attributs. J’ai encore plus aimé vous voir skier et marcher année après année sous mes branches. Je vous ai vu rire, discuter et même vous embrasser le long de mes sentiers. J’ai aimé lorsque certains d’entre vous entouraient nos écorces de vos grands bras pour communiquer avec nous. Et que dire des rires des enfants de l’école et du parc, juste à côté de nos bordures !
Maintenant, nous devrons nous incliner branches et troncs devant la décision de notre mairesse de nous traiter comme si nous étions un danger pour vous tous.tes. Comme si nous devenions des armes dangereuses parce que certains d’entre nous sont malades. Nous avons pourtant toujours su nous en sortir sans l’intervention humaine. Nous nous connaissons si bien !
Terminé les années où les hiboux, les chouettes, le Petit Duc maculé pouvaient se blottir au cœur de certains d’entre nous. Adieu à mes chauves-souris brunes, cendrées et argentées. C’est le tronc serré que je vous quitte, mes racines en tremblent…
Je me mets à genoux devant les trilles, la sanguinaire du Canada, l’érythrone d’Amérique, la fleur du chou puant et l’arisème petit-prêcheur. J’irai vous rejoindre au sol au printemps prochain dans l’agonie en espérant que vous survivrez à cet ensoleillement que vous n’êtes pas « habitué » de recevoir.
Adieu chers.ères amis.ies, Amoureux.ses de nature. Venez me voir avant la fin de l’automne. Venez me faire vos adieux en caressant de vos douces mains nos écorces et le bout de nos branches.
La forêt du Domaine Saint-Paul
Ginette Petit, l’initiatrice