Texte Marek Zielinski
Recherche Luz Garcia de Zielinski
Photo : Daniel Rochon
On accède au logement de Desa Lozo par un petit escalier en colimaçon, dont les murs sont couverts de tableaux — on a d’emblée l’impression d’entrer dans un monde parallèle, secret, profondément personnel. Premières impressions visuelles : le Petit Prince et le dos poilu de Nélé. Si tout le monde connaît le Petit Prince, peu ont ce bonheur quant à Nélé — un magnifique mâle à trois pattes !
Dans certains contes, les chats portent le chapeau, chez Desa, son fidèle Nélé claudique sur trois pattes, pour offrir une impression assez surréaliste. Pour le moment, il ronronne d’aise et nous ignore comme seuls les chats savent le faire. Il n’échappera pas pour autant aux baisers dans le cou et les guili-guili obligatoires, votre serviteur étant un fou de félins ! On y reviendra.
Une vie fracturée
Desa voit le jour dans la petite ville de Gorazde en Bosnie. Ayant fait ses études en économie et finances, rien ne la prédestine à l’art, mais la vie en a décidé autrement. La naissance de son deuxième enfant, Sandra, en 1980 (le premier, Boris, est né deux ans plus tôt) et le congé de maternité dont elle bénéficie lui offre assez de temps libre pour que l’art, et la peinture tout particulièrement, entrent dans sa vie. Dès ses premiers coups de pinceau, Desa se sent chez elle et son art trouve une résonance très favorable auprès de ses pairs et du public en général. Elle est lancée, elle n’arrêtera plus, sauf quand la guerre mettra toute sa vie en suspens.


Sa première exposition, en 1992 à Sarajevo, coïncide avec l’éclatement du conflit. Les 40 tableaux qu’elle s’apprêtait à exposer sont détruits, le pays est en déroute. Elle quitte Bosnie pour Zlatibor, qu’elle compare à Mont-Tremblant, une ville touristique nichée dans les montagnes. Son mari reste à Sarajevo, où il sera gravement blessé par un tireur d’élite. Il mourra de ses blessures à Belgrade.
Peindre va devenir pour Desa une nécessité, par laquelle son âme cherche à guérir. Encore une fois, ses tableaux sont remarqués par une figure emblématique de la peinture serbe, le grand maître Milic od Macve, surnommé à juste titre le Dali des Balkans. Les conditions plus que précaires de sa vie en Serbie l’éloignent, encore une fois, de l’art. Puis, après avoir enterré son mari à Zlotibor, leur endroit préféré, un nouveau chapitre s’ouvre pour Desa.
–soi au bout du monde


