Texte Marek Zielinski
Recherche Luz Garcia de Zielinski
Le krach boursier de 1929 ; la Seconde Guerre mondiale ; la fondation de Radio-Canada – de son vivant, Mme Madeleine Vernier a été témoin de ces événements. Elle a vu défiler 22 premiers ministres sur la scène politique provinciale ; Félix Leclerc avait à peine dix ans quand elle est née le 29 mars 1924, à Verdun ; la première station de télé est de 4 ans plus jeune qu’elle. Un siècle de vie – c’est assez difficile à imaginer. Le monde a changé, les mœurs aussi, certains pays ont cessé d’exister, d’autres sont nés, l’homme a mis les pieds sur la Lune et le smartphone est devenu le prolongement de notre main.
Verdunoise de naissance, Madeleine n’a jamais quitté son quartier et son fleuve. Elle s’est mariée et est devenue mère, puis a perdu son mari très jeune. Avec les enfants à sa charge et sans aucune aide gouvernementale – eh oui, c’était une autre époque –, Madeleine se tourne vers la couture pour subvenir aux besoins de sa famille. Au fil des ans, elle est devenue une vraie experte dans ce domaine, confectionnant même les robes de mariage d’une grande complexité dans des tissus nobles qui exigent une habileté particulière.
Entourée d’une douzaine d’amies, Madeleine nous a accueillis dans sa maison du boulevard Lasalle, avec une vue superbe sur le fleuve. Très indépendante encore, elle vit seule, mais Pascale, l’une de ses petites filles, demeure à l’étage du dessus et veille sur elle. Jusqu’à tout récemment, elle faisait encore ses courses et participait même aux parties de bridge, son jeu préféré. Aujourd’hui, elle reste aussi active que possible dans son beau logement.
Madeleine aura entamé sa cent-unième année en compagnie de toute sa famille, réunie autour d’elle.
Les enfants de Madeleine : Élise, Lorraine, Jean-Marie et Martin, son plus jeune fils et notre locuteur, définissent leur mère comme travailleuse. Même dans ses moments de loisir, Madeleine adorait tricoter, pour suppléer sa petite gang en mitaines chaudes ou foulards ou encore chaussettes. Un autre adjectif lui sied aussi bien : curieuse. À l’âge de 65 ans, Madeleine est entrée à l’université, guidée par son désir d’apprendre, pour y étudier l’histoire, la géographie et autres matières. Elle y est restée 15 ans, jusqu’à ses 80 ans quand elle a reçu un diplôme honorifique. C’est seulement il y a deux ans, à cause du Covid, qu’elle a cessé de pratiquer et surtout d’enseigner ce qui a été la passion de toute sa vie : le bridge. Ce jeu est réputé pour sa complexité et son aspect stratégique, exigeant une acuité intellectuelle constante.
Quand vous lirez ces mots, en ce dimanche matin (NDLR : Explore a d’abord publié la nouvelle de son 100e anniversaire le vendredi 29 mars), Madeleine aura entamé sa 101e année en compagnie de toute sa famille, réunie autour d’elle. Ses enfants, ses six petits-enfants et autant arrière-petits-enfants, plus d’innombrables ami(e)s ont tenu à se déplacer pour célébrer sa force, sa vitalité, sa curiosité, son esprit indomptable et son courage.
Inutile de connaître le secret de sa longévité : pas d’elixir, ni de potion magique. Madeleine Vernier nous a simplement dit que la modération, en tout… est sa seule philosophie !
Nous avons tenté, bien évidemment, de connaître le secret de sa longévité. On imaginait déjà un élixir de son invention ou une potion quasi magique, mais Madeleine nous a simplement dit que la modération en tout est sa seule philosophie. Il y a l’âge physique, et il y a l’âge mental. Dans sa tête, affirme Madeleine, elle n’a jamais dépassé la soixantaine, un âge où le corps est encore fort et souple, et où la sagesse acquise prend le dessus sur les passions. Finalement, son exemple nous enseigne que nous avons le pouvoir de transcender le temps, cet implacable fou qui se croit invincible. Tant pis pour lui !
En Pologne, lors des anniversaires, on chante les cent ans ! à ceux qu’on fête. Dans le cas de Madeleine, il faudrait doubler la dose ! Merci pour votre exemple, pour être la mémoire vivante et l’on espère vous fêter durant encore de nombreuses années.
