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Samedi, 25 octobre 2025

Verdun + Île-des-Sœurs
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LE BONHEUR

                     

 Il avait si hâte que le printemps arrive pour de bon. Sa femme est partie sur la Well avec ses chums de filles. La rue est plus belle que jamais, les terrasses s’installent et la rue est enfin ouverte aux piétons. Comme lui, à sa pension depuis 14 ans, Mireille a développé tout un nouveau réseau d’amies qui passent leur temps au pickleball, au bridge et à la marche. Pas question de s’ennuyer à faire du casse-tête . 

                       Il est 13 h et le soleil a comme envie de faire le fin. Après la vaisselle, le voilà assis sur la galerie avec sa tasse de thé vert, son coton ouaté bleu et son sudoku…le bonheur quoi ! Denis a décidé que le printemps est arrivé ce matin, en même temps que le camion de vidanges. Il trouve l’hiver de plus en plus dur et n’en peut plus du froid, de la grisaille, du radotage du voisin d’en haut et des nouvelles en continu qui le rendent triste comme une aspirine dans un verre d’eau. Déprimé ? Pas vraiment, juste un peu tanné. Il sirote son thé chaud dans sa vieille tasse du casino en regardant devant lui, les yeux fixés sur le petit parc qui renait. Cela le remplit de joie. Une joie, petite et réconfortante.

                     Les oiseaux sont fous, le facteur siffle et le balai mécanique nettoie la rue, sans aucun doute le printemps est bien installé. Il tourne machinalement l’anneau d’or qu’il porte à son doigt depuis 47 ans. Toute une vie. Le cercle de la vie, pense-t-il, sa naissance, sa famille, des deuils, des joies et des peines. A chaque printemps, c’est un nouveau départ pour Denis. Il revit, s’allume et prend des risques, des paris. Il mise sur le bonheur, il l’appelle et il vient comme un petit chat qui sort de sa cachette. Parce qu’il n’est jamais loin le bonheur, surtout lorsqu’il a mis ses habits printaniers. Depuis toujours Denis sait qu’il est fait de petits riens et qu’il accompagne les cœurs heureux, il pense aussi qu’il est de plus en plus doué pour le bonheur. Ça lui vient naturellement, comme quelque chose qu’il mérite, il lui fait toute la place. Il a pourtant plusieurs raisons de s’en éloigner. De santé assez fragile, il se dit que demain, il ira mieux. Ça marche souvent. On dit que les gens heureux n’ont pas d’histoires, si ce n’est qu’une formidable histoire d’amour avec la vie.

                     À ce moment précis, un gros papillon jaune et noir lui frôle la joue, sans doute un signe qui souligne le moment présent. Le bonheur au présent de l’indicatif, comme dans vivre, créer, lire, aimer, écouter, donner et prendre aussi. Prendre le temps de s’accorder des douceurs, des plaisirs coupables. Même s’il n’est pas du tout philosophe, Denis a compris tout cela et va dans la vie avec assurance et énergie. En lui, il fonde beaucoup d’espoir et il est malgré tout ce qui l’entoure, plein de reconnaissance, plein de rêves à réaliser, et la certitude que le bonheur existe puisqu’il l’invente à chaque jour.

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