LUZ Garcia et Marek Zielinski
La référence aux aventures de Tintin n’est pas fortuite. Le monde de Jean-François Caron est plein de jeunesse – ses enfants d’abord, puis ceux qu’il côtoie à l’Ancre des Jeunes, un organisme voué à la persévérance et à lutte contre le décrochage scolaire, qui a pris de proportions inquiétantes à Verdun par le passé.
Les conséquences sont considérables, car on ne décroche pas uniquement de l’école mais pratiquement de sa propre vie. La majorité des programmes qu’offre l’Ancre des Jeunes vise à rehausser le sentiment d’auto-estime chez les décrocheurs et de motiver leur implication.
Depuis trois ans, Jean François s’investit dans l’agriculture urbaine. C’est un concept en apparence contradictoire mais qui gagne en adeptes et en envergure. On doit à Jean-François plusieurs projets verts, rendu réalisables grâce à l’implication des jeunes au centre. La meilleure manière d’induire le changement qu’on souhaite est de l’incarner ! On devine chez lui ce tempérament d’activiste qui vient de la conviction intime, complètement intégrée dans sa vie, dans ses choix. Il suffit de l’écouter pour en être convaincu.
Jean-François Caron : Quelles sont vos responsabilités à L’Ancre des Jeunes ?
J’en suis déjà à ma 13e année. J’y suis entré comme intervenant en enseignement de l’anglais, puis le français durant neuf ans. Depuis trois ans, je porte le titre d’intervenant en agriculture urbaine et participation citoyenne, un poste presque sur mesure pour moi ! Je suis aussi animateur d’aide aux devoirs avec des jeunes du primaire.
JFC : Pourquoi avoir choisi de travailler à L’Ancre des Jeunes ?
Je suis un militant de nature. J’ai le sens de la mission et j’aime consacrer mon temps à changer le monde, à aider des gens qui en ont besoin, à mettre mes talents au service de ma communauté. L’Ancre est située à Verdun, le quartier dans lequel je vis. En plus d’y éviter les transports, œuvrer dans mon quartier ajoute un véritable sens à mon travail.
JFC : Pourquoi est-ce si important à vos yeux ?
En fait, l’Ancre est un organisme à but non lucratif qui existe depuis 1991. La mission est d’œuvrer à la persévérance et au raccrochage social et scolaire dans la région du sud-ouest de Montréal. Le choix de cette implantation géographique de l’organisme obéissait à un ensemble de caractéristiques socio-économiques qui engendraient un taux de décrochage scolaire de 49 %, le plus élevé au Québec de l’époque. La matérialisation de notre mission permet aujourd’hui d’outiller des jeunes confrontés à des difficultés de toutes sortes, pour engendrer une reprise en main de leur parcours. Notre organisme s’est en conséquence organisé pour devenir un milieu de vie sécurisant, offrant un accueil personnalisé et structurant à ces jeunes. Tout est fait pour qu’il devienne le principal acteur de cette reprise en main, tout en bénéficiant de la part des intervenants dans le cadre de relations de confiance, d’animations aux plans académique, artistique et psychosocial.
JFC : Un écologiste profession
Je suis un écologiste « pratiquant ». Cela veut dire que mon souci de prendre soin de l’environnement et des écosystèmes qui nous hébergent est présent dans mes décisions et mes actions au quotidien. En plus d’avoir instauré le compostage, contribué au projet de ruelle verte, verdi les murs de plantes grimpantes, j’ai aussi mis sur pied un atelier d’agriculture urbaine et d’écocitoyenneté… pour rapprocher les jeunes de la nature. Au menu : confection de nichoirs d’oiseaux, d’insectes, de chauve-souris ; production de plantes d’intérieur et de semis ; mise en place et soins aux jardins… et j’en passe !
JFC : Peut-on créer de liens solides et de confiance avec les activités que vous organisez ?
C’est nécessaire ! Je crois que ce ne sont pas tant les activités menées qui sont importantes, mais plutôt la manière d’être avec les jeunes. Les liens de confiance se forgent avec l’écoute et la considération que l’on accorde aux jeunes. Bref, la relation est à la base de l’intervention !
JFC : Comment les jeunes réagissent-ils en pandémie ?
Il s’agit d’une période qui leur demande beaucoup d’adaptation. J’ai le sentiment que certains jeunes ressentent une urgence de vivre et réagissent mal aux restrictions imposées par les mesures sanitaires. Ils se sentent hors d’atteinte et perçoivent comme des vieux les adultes qu’ils ne connaissent souvent pas !
JFC : Comment pouvons-nous soutenir l’Ancre ?
Cet appui peut prendre plusieurs formes, tel un engagement bénévole à nos différents programmes, dont ceux qui sont voués à la cause du raccrochage scolaire et social. Des dons consentis à notre organisme est la manière la plus sensée. Nos services ne peuvent être maintenus que grâce à l’appui de la communauté. L’Ancre est tellement fière du soutien de certains bailleurs de fonds à la cause de la persévérance scolaire…
JFC : Et l’importance d’aider un jeune décrocheur ?
Un jeune a besoin de repères. Il aime se sentir aimé. L’Ancre lui offre un lieu sécurisant, encadrant. Aider l’Ancre, c’est l’aider tout au long de sa vie sur les plans de l’employabilité et de la santé. L’économiste Pierre Fortin a calculé qu’un décrocheur coûtait à l’État près d’un demi-million de dollars au cours de sa vie. N’est-ce pas là un bon investissement à tous points de vue !
JFC : Depuis quand habitez-vous à Verdun ? Et pourquoi ?
J’habite Verdun par amour depuis près de vingt ans. Amour d’un aspect villageois perçu dès le début ; amour pour une Verdunoise de longue date, devenue ma conjointe… Sans oublier amour des espaces naturels environnants !
Oui, j’ai à cœur d’améliorer mon milieu de vie… Je veux sentir que j’ai fait tout ce qui est en mon pouvoir pour faire avancer ma vision du bien commun. J’ai incité l’arrondissement à procéder à la dénaturalisation de certains espaces verts… On peut voir cette vision se concrétiser sur certains pans des berges du fleuve, surtout près de l’Aqueduc et du boulevard Champlain. Rouler à vélo, au centre d’une prairie fleurie, est très satisfaisant !
J’ai aussi contribué à installer des hôtels à insectes, en collaboration avec la Maison de l’Environnement. J’ai été membre du noyau initiateur de la ruelle verte appelée Victor. Ce projet nous fournit une belle occasion d’impliquer les jeunes. Une murale colorée est venue s’ajouter quelques années plus tard.
Durant quatre ans, j’ai organisé le Tour de vélo d’hiver, juste pour faire la promotion de ce mode de déplacement et sensibiliser les élus aux enjeux du vélo quatre saisons. Je me tiens au courant des projets mis de l’avant par Demain Verdun, qui vont dans le sens de la transition écologique et d’une communauté vivante et bienveillante.
Jean-François Caron souhaite en définitive encourager tous ses concitoyens à se mettre encore plus en action. « Agir, c’est exercer son propre pouvoir ; c’est aussi de reprendre espoir ! «