Texte de Sebastián Krieger
Traduction de Juliana Zerda
Il est tellement hasardeux de rencontrer une personnalité impressionnante dans la rue. À Montréal, il n’est pas rare de croiser une célébrité ou un « cerveau en fuite » (cette expression désigne des personnes ayant une formation académique et professionnelle de très haut niveau qui émigrent vers d’autres pays), assis à côté de vous dans l’autobus. C’est le cas d’ un artiste plasticien colombien, Saúl Sánchez, qui vit anonymement à Verdun depuis un an et demi, et qui peut être considéré comme un véritable talent en fuite.
Saúl Sánchez n’a que 46 ans, mais ses œuvres ont été exposées dans des galeries du monde entier : Madrid, istambul, Dallas, La Havane, les États-Unis, la Grèce, et son pays natal. Ses pièces se retrouvent dans les rassemblements des collectionneurs les plus prestigieux. Certaines des œuvres de Saúl ont déjà été exposées à Montréal : l’année dernière, il a été invité à l’exposition collective Domestique au Cache Studio & Gallery.
En 2015, Sánchez a reçu la bourse Fulbright, le plus important programme d’échange international au monde, pour étudier un master en arts à la Parson New School of Design, l’une des universités de renom privées de New York. Saúl a reçu des prix du ministère colombien de la Culture et celui des jeunes artistes de l’Alliance française de Bogotá, parmi tant de distinctions.
Comme cet anonymat personnel, son œuvre est subtile, presque inaperçue. La plus connue est la collection de bouchons de boisson gazeuse sur lesquelles sont peintes des pièces miniatures avec des pinceaux très fins. À petite échelle, Saúl Sánchez réalise magistralement des images proches de l’hyperréalisme. Paysages urbains sur les bouchons, objets d’art portables. Oui, pour vraiment les voir, il faut une loupe.
Son travail produit plus de questions que de réponses. En général, il veut générer des réflexions sur la pertinence de la peinture à une époque où l’intelligence artificielle crée facilement des images de synthèse parfaites. Autour de la consommation aussi et de ce qui est considéré comme de l’art ou un déchet, puisque le bouchon recyclé finit par faire partie de l’œuvre et pas seulement son support. À Montréal, Saúl Sánchez a trouvé des bouchons de boissons gazeuses encastrés dans certaines stations de métro – et il les suit et les photographie -, parce qu’il a l’intuition qu’il trouvera un autre élément dans un processus artistique.
Aujourd’hui, il poursuit sa formation professionnelle en animation 3D et en effets visuels dans le but d’explorer de nouveaux champs d’expression. Avec d’autres artistes verdunois, Saúl Sánchez développe un projet d’édition pour enfants qu’il espère voir se terminer d’ici la fin de cette année.
Les petites choses, souvent anodines, contiennent généralement de précieux trésors : les visages dotés d’un anonymat sont les plus surprenants. La prochaine fois que vous errez dans votre quartier, regardez bien qui vous allez croiser. Vous tomberez peut-être sur un talent inconnu, « échappé » sur le boulevard de L’Île des Sœurs, en attendant de prendre l’autobus 168…