Texte Marek Zielinski
Recherche Luz Garcia de Zielinski
Pour certains, se nourrir convenablement dans l’un des pays les plus riches de la planète pose encore et toujours un problème. Aussi absurde et révoltant que cela puisse paraître, c’est une réalité à laquelle Rudi Svaldi et son équipe du Réseau d’entraide Verdun doivent faire face quotidiennement. Si la situation est plutôt stable depuis quelques années, elle est toujours inacceptable. Offrir un repas ou de l’aide alimentaire générale est un geste hautement symbolique; il fait de nous les êtres humains à part entière, sensibles à la détresse d’autrui. Le Réseau d’entraide Verdun, dont Rudi est le directeur général depuis une quinzaine d’années, a son pignon sur rue au 5132 de la Well. Chaque lundi, vous avez probablement pu voir une petite foule qui attend patiemment son tour pour recevoir un panier alimentaire.

Une petite armée de bénévoles
Les locaux du Réseau d’entraide Verdun sont trop petits pour accueillir tous les bénévoles à la fois (au bas mot, plus de 45 personnes) – une gestion s’avère nécessaire, avec un planning et une répartition des tâches précises. La main-d’œuvre est abondante (connaissant la communauté verdunoise, aucune surprise de ce côté-là), les lacunes se situent au niveau du transport. Rudi lance un appel aux donateurs d’aliments potentiels d’organiser par leurs propres moyens la livraison – un gros souci logistique de moins sur ses épaules! Le fournisseur principal est l’organisme Moisson Montréal, mais les dons peuvent provenir d’autres sources, notamment les commerces locaux. Le Réseau s’enorgueillit de n’exercer aucune discrimination ni d’imposer aucun filtrage quant aux bénéficiaires de leur aide – présentez-vous à leur porte chaque lundi de 16 à 18 h pour recevoir pour un coût de 7 dollars un panier composé des fruits, légumes, produits laitiers et autres denrées, y incluant la viande. Pour éviter la file d’attente, il est conseillé de venir plus tard dans la journée, même 15 minutes avant la fermeture. La gestion des paniers permet de garantir à tous la même quantité et variété des aliments. Si vous avez des objets en bon état à donner, le Réseau les accepte également avec joie.
Un homme de goût
Que fait Rudi après une longue journée occupé à nourrir son monde? Il revêt son tablier de cuistot et mijote chez lui, pour son propre plaisir, des plats délicieux qu’il partage entre amis… et qu’il ajoute au panier du REV! L’année dernière, plus de deux mille plats de son cru ont pu ravir ainsi les palais de bénéficiaires. En homme modeste et humble qu’il est, Rudi insiste sur l’importance de son équipe exceptionnelle de bénévoles. Il est le seul salarié, avec juste un coup de main occasionnel (quelques heures par semaine) d’un assistant. Rudi se réjouit du soutien de l’arrondissement dans son travail et compte bien mettre sur pied un événement pour l’inscrire dans les célébrations du 150e anniversaire de Verdun – on vous tiendra au courant, bien évidemment. Le 6, 7 et 8 juin, une activité de pêche sera organisée sur les berges du fleuve, profitant d’une brève fenêtre où les permis de pêche ne seront pas exigés.
Dans un monde confus d’aujourd’hui, le simple geste de partager un peu de nourriture avec ceux qui en ont besoin revêt une signification particulière. Tout en rêvant d’un monde d’abondance universelle, saluons aujourd’hui celles et ceux qui, comme Rudi, redonnent la foi en être humain. Il nous semble pertinent de rappeler un proverbe vietnamien : l’enfer est un lieu d’abondance, mais les baguettes longues d’un mètre nous empêchent de nous nourrir; le paradis est exactement le même endroit, mais nous nous nourrissons mutuellement!