Texte d’Ahmed Chétioui
Beaucoup de choses se disent sur les services d’urgences dans les hôpitaux. Mais on ne peut les mentionner si l’on ne les a pas vécues !
Alors allons faire un petit voyage, vous êtes un citoyen lambda, vous arrivez avec votre épouse par une belle journée de fin de semaine, aux urgences de l’hôpital de votre arrondissement, votre douce moitié souffre le martyre, elle est pliée en deux par la douleur, elle fait de la fièvre, ce qui en somme sont des symptômes qui devraient alertés tout soignant et devraient être pris en charge très rapidement.
Mais non, voyez-vous, lorsque vous arrivez aux urgences, vous devez prendre un ticket et attendre, attendre, attendre… Un regard jeté dans la salle d’attente révèle que 80 % des présents cas ne sont pas des urgences ; des jeunes et des moins jeunes rigolent, jouent sur leur téléphone et attendent leur tour pour une CONSULTATION. Alors que votre épouse est pliée en deux, une autre personne plus âgée ne tient plus en place, elle a le faciès souffrant. Sa fille pleure !
Le gardien de sécurité est interpellé, mais il ne peut rien faire. Que constater ! Il voit défiler des gens pour de simples consultations au détriment de véritables urgences, le sang du citoyen lambda ne fait qu’un tour et interpelle l’infirmière présente, pour que son épouse soit prise en charge de suite, ce qu’elle fait de manière remarquable, en la faisant admettre au centre de triage, tout en commentant l’état dans lequel se trouve le service d’urgence, encombré qu’il est, par des situations non urgentes et qui relèverait de la médecine de ville. Le calvaire du patient ne s’arrête pas là, les interrogatoires s’enchaînent, les mêmes questions qui reçoivent les mêmes réponses se suivent, une fois, deux fois… À la troisième, ça suffit, la douleur est persistante, perfide, usante, et rien n’est fait pour la soulager, de la bouche d’un infirmier, une ineptie sort, « il ne faut pas refroidir la douleur tant que le médecin ne l’a pas vue », il a fallu insister alors pour qu’un médecin vienne rapidement l’examiner, pour qu’enfin elle puisse être soulagée. Tout cela se fait dans un corridor, un voisin de brancard hurle de douleur, il a apparemment une fracture du bassin, et tout mouvement entraîne une douleur atroce. Combien de fois a-t-il répondu le chiffre 12 à la question, de 0 à 10, à quel niveau situez-vous votre douleur ? Je ne saurais les compter, tout cela pour dire qu’il y a du chemin à faire encore dans les hôpitaux, dans la gestion de la douleur au niveau des urgences.
Mais comme on dit toujours après la souffrance il y a la délivrance, car une fois hospitalisée, l’éclaircie est là, une chambre agréable, une prise en charge des symptômes efficace, et une programmation d’une chirurgie certes tardive, en raison de la fermeture de la majorité des blocs durant la fin de semaine, mais salvatrice !
Je ne sais pas ? Qui de la direction des hôpitaux ou des gouvernants devrait prendre à bras le corps ce cas épineux, et proposer des solutions pérennes, réalistes et réalisables, créer plus de cliniques médicales, relancer la médecine de ville, combien de patients pourraient être examinés chez eux. On parle de pénurie de médecins… Permettre aux médecins étrangers francophones d’exercer un seul examen, national ou provincial, devrait suffire pour les évaluer. Et leur permettre d’exercer.
Autre sujet dans la même lignée : l’accueil des personnes âgées dans les urgences. Que voulons-nous qui se passe comme prise en charge pour nos aînés ?
Les services d’urgence, tels qu’ils sont conçus, ne sont pas adaptés aux personnes âgées. Le temps de passage aux urgences est plus long pour les personnes âgées : sa durée médiane est de quatre (4) heures pour les patients âgés de 75 ans ou plus, contre deux (2) heures pour les 15-74 ans. Le nombre d’examens complémentaires, plus important pour les patients âgés, et les délais nécessaires à leur réalisation… contribuent à augmenter la durée de passage aux urgences. À cela s’ajoutent les modalités d’hospitalisation éventuelle, en aval des urgences : le délai pour obtenir un lit est plus important pour les personnes âgées.
Un projet ambitieux du CIUSSS du Centre-Sud de l’Île de Montréal et qui pourrait régler une partie du problème pour la prise en charge de nos aînés est la « Paramédecine de régulation ».
Le programme général consiste à donner accès à une évaluation professionnelle infirmière à la clientèle ayant été dirigée vers Urgences-santé afin de proposer une option pour répondre de façon efficace et pertinente aux besoins de la personne ; et éviter le transport ambulancier et recours à la salle d’urgence lorsque c’est cliniquement possible.
Le tout consiste en premier au triage secondaire : un usager pris en charge par le 911, dont l’appel est transféré à Urgences-santé, fait l’objet d’une évaluation professionnelle de la part d’une infirmière d’Urgences-santé, puis la co-évaluation : un usager pris en charge par un paramédic d’Urgences-santé fait l’objet d’une évaluation infirmière à distance, avec la collaboration de celui-ci au domicile de l’usager. C’est en complément de l’intervention du paramédic, le tout se faisant au domicile de l’aîné, en Résidence de personnes âgées ou autre.
L’infirmière désignée a pour mandat de :
- Développer, consolider le partenariat entre le SAD (soins à domicile) et les personnes responsables des soins dans les RPA ;
- S’assurer que l’usager reçoive le bon service, au bon moment et au bon endroit ;
- Réduire le recours à la salle d’urgence lorsque cela est cliniquement possible.
Une autre voie d’approche pour la prise en charge de nos aînés consiste en la création, au sein même du service d’urgence, d’une unité gériatrique d’urgence, chargée de l’accueil et de l’accompagnement clinique de l’aîné, afin de réduire le temps d’attente et les complications sanitaires qui en découlent.
Une autre approche est la mise en place d’entente entre la Résidence et le service gériatrique de l’hôpital, dans le but que l’aîné soit pris en charge par l’équipe du service et non par le service des urgences.
Tout cela n’est pas utopique ! Car ces approches ont fait leurs preuves outre-Atlantique avec le vieillissement de la population, nous devons absolument penser à d’autres façons de prendre en charge nos aînés, du moins ceux qui sont les plus fragiles !