Jacques Le Ber, un personnage marquant de la Nouvelle-France
Texte de Marcel Barthe
Comment ce tout petit territoire insulaire peut-il prétendre être au cœur de l’histoire de la Nouvelle-France ?
Parce que son propriétaire le plus important [1] avant l’arrivée des religieuses de la congrégation de Notre-Dame (CND) [2], le marchand et seigneur Jacques Le Ber, compte parmi les personnalités les plus reconnues des débuts de la colonie.
On lui concède le tiers du site (les deux autres parcelles sont confiées en deux parts distinctes à Claude Robutel et Jean de la Vigne), de ce qui s’appelait alors l’île Saint-Paul (en l’honneur de Paul Chomedey de Maisonneuve, un des fondateurs de Montréal avec Jeanne-Mance), le 28 janvier 1664. Quelques années plus tard, de la Vigne cède sa portion à Jeanne Le Ber, la sœur de Jacques qui, à son tour, la lègue à son frère en 1668. Jacques le Ber possède alors les deux tiers de l’île.
Ce n’est que plus de 100 ans (1758) plus tard que les héritiers Le Ber renoncent à leurs droits sur leur portion majoritaire du territoire. Pendant plusieurs années, Jacques y exploite une ferme d’envergure à des fins de commerce et y fait construire un manoir digne des grands ensembles seigneuriaux ruraux qui existaient alors à l’époque dans sa mère-patrie (photos). Il ne loge pas à temps plein dans ce presque-château, que des employés entretiennent avec la ferme, préférant sa résidence sur la rue Saint-Paul, dans le Vieux-Montréal.
Personnage public et parfois controversé, Le Ber risque sa vie à plus d’une reprise (entre 1663 et 1680) pour défendre la colonie contre les attaques des Iroquois. Par son mariage avec Jeanne Le Moyne, sœur de Charles Le Moyne de Longueuil, il devient partenaire d’affaires d’un des plus grands marchands et militaires de la Nouvelle-France. Charles est aussi le père de Pierre Le Moyne d’Iberville, un autre personnage mythique de la Nouvelle-France.
Les deux amis marchands acquièrent une parcelle de terre de Cavelier de La Salle pour y établir une plaque tournante pour le commerce des fourrures près des rapides de Lachine. Ce lieu patrimonial est aujourd’hui nommé le site Le Ber-Le Moyne dans l’arrondissement de Lachine.
Il se hisse au sein du clan exclusif des membres les plus riches et plus influents de la colonie. Outre son exploitation agricole de l’île Saint-Paul (île des Sœurs), il est seigneur de Senneville (extrémité ouest de l’île de Montréal), propriétaire de magasins, de même que marchand et expéditeur de fourrures vers la métropole (Paris). Conseiller de Maisonneuve, puis de Frontenac sur les affaires de la colonie et les relations avec les peuples autochtones, il jouit d’un accès direct au Roi Louis XIV lors de ses visites en France, pour discuter de ses affaires personnelles et de celles de la colonie.
Jacques Le Ber meurt à Montréal le 25 novembre 1706. Son nom restera à jamais gravé dans la mémoire de l’île, de la ville et du Québec.
1 – Propriétaire déclaré par les lois et édits royaux français de l’époque. Ne tiens pas compte des revendications actuelles des Premières Nations (voir article précédent sur la présence autochtone à L’Île-des-Sœurs).
2 – La période des religieuses à L’Île-des-Sœurs sera l’objet d’un prochain article.
(votre illustration de mon article précédent, donc même source, si vous reprenez la carte)