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Samedi, 25 janvier 2025

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Patrick Dupuis – Résister à la rue

Texte et photos de Michel Cusson

En novembre dernier, lors de la soirée d’information au sujet de la transformation des Jardins Gordon en service d’hébergement d’urgence temporaire pour itinérants, un des nombreux participants se démarque par son allure. Même si le chapeau de paille décoré d’une plume de paon et les bijoux bien en évidence attiraient l’attention, c’est l’affirmation énoncée en fin de présentation qui a réellement piqué la curiosité. Parce que Patrick « Pat » Dupuis n’avait pas eu la chance d’intervenir au micro afin de rassurer les résidents du quartier, il s’est écrié :

« Bien souvent,
ça se règle
avec un café ! » 

Patrick Dumais

C’est justement devant un café que Patrick Dupuis s’est présenté quelques jours plus tard pour discuter du problème d’itinérance mais aussi pour raconter son parcours qui l’incite à s’impliquer activement dans le projet Résiste à la rue.

Un passé sombre et un constat éclairé

Dès les premiers instants de l’entretien, Patrick avoue, non sans remords, qu’il a été pendant plusieurs années un petit bandit qui traînait un problème de toxicomanie. 

Malgré son travail illicite de revendeur, il restait sensible à la détresse des gens qu’il côtoyait. À plus d’une reprise, il « passe » à l’épicerie afin que certains de ses clients, dont la consommation prenait trop de place, puissent se nourrir adéquatement. 

Las de ce rythme de vie, c’est seul mais entouré de drogue, d’armes et de matériel volé qu’il a fait le constat que sur la route de son existence, il s’était drastiquement enlisé. Un coup de fil à un ami lui confirme que la solution réside dans une thérapie. L’exercice, qui s’avère plutôt difficile mais des plus concluants, lui permet de faire la paix avec son passé. Il s’oblige à rembourser ses dettes et à s’investir dans des travaux communautaires. Des travaux qu’il effectue à la seule condition qu’ils soient réalisés auprès des gens qui vivent l’itinérance.

Les premiers pas

Le décès de la grand-mère de son amoureuse de l’époque l’amène à côtoyer un prêtre qui perçoit une force d’agir. Il présente Patrick à l’abbé Claude Paradis, celui-là même qui était de l’équipe du Bon Dieu dans la rue du célèbre père Emmett Johns, dit Pops.

Patrick voit l’occasion de réaliser les travaux communautaires dans le contexte qu’il espérait. Avec l’organisme Notre-Dame de la rue, aux côtés de l’abbé Paradis, il se sent utile, il se sent valorisé : bref, il réalise qu’il est à sa place.

Par la suite, les premières expériences d’aide à l’itinérance qu’il réalise en solitaire se font dans le métro. Il se déplace de la station Longueuil à Bonaventure avec un sac à dos chargé de sandwiches et de barres tendres, un thermos de café d’une main et un second rempli de bouillon de poulet dans l’autre. En un rien de temps les victuailles sont toutes distribuées. Il ne reste qu’à recommencer le lendemain.

Faut que ça roule

Voyant sa détermination, un ami lui offre son véhicule récréatif (VR) que Patrick réaménage et fait peindre de façon éclatante. L’objectif était d’attirer l’attention. Le véhicule ne passe pas inaperçu. Il le nomme symboliquement La bottine, un rappel de l’adage : Les bottines doivent suivre les babines… ce que je dis, je le fais. Le véhicule lui permet de couvrir un plus grand territoire de Longueuil au Complexe Guy-Favreau en s’arrêtant entre autres au Square Viger.

Patrick voit grand pour son projet mais sa principale crainte est de voir les dons de ses amis ne plus être à la hauteur des ambitions.

« Dans le meilleur des scénarios, des gens sensibilisés à
mon projet verseraient
mensuellement 5 $. »

Ce principe de micropaiements permettrait de financer un salaire symbolique, de faire rouler La bottine, de louer un local mais surtout de se procurer nourriture, boissons, vêtements chauds et sacs de couchage à distribuer à une clientèle de plus en plus présente à Montréal.

Les gens qu’il sollicite font preuve de générosité mais sans subvention ni aide des différents paliers gouvernementaux, le travail se fait au ralenti et de façon ardue.

La ressource verdunoise

Patrick affirme qu’il se méfie depuis toujours du monde politique qui parle et planifie plus qu’il agit. Sauf que lorsqu’il a entendu les propos de la mairesse Marie-Andrée Mauger lors de la soirée du 2 novembre, il était ravi.

Après la présentation, il a pris la peine d’aller saluer la mairesse avec enthousiasme. Il comprend toutefois la crainte des citoyens et c’est dans cette optique qu’il espère être impliqué dans le projet de cohabitation résidents-itinérants. « Mon expérience et mon « look » me permettent de désamorcer les tensions et de dissiper les incompréhensions. Il ne faut pas oublier que bien souvent ça se règle avec un café ! »

« Je me suis dit
c’est parfait,
il ne peut pas

y avoir mieux. »

Il a dit…

  • « J’ai eu plusieurs téléphones parce que je faisais des choses illégales, maintenant j’ai toujours plusieurs téléphones mais pour faire des choses légales. »
  • « Pops c’est Pops, je ne remplacerai pas le Père-Noël mais je suis bien prêt à suivre ses traces. »
  • « Peu importe le nombre de zéro du montant d’argent qui est inscrit au compte de banque, nous sommes tous à un événement de nous retrouver en situation d’itinérance… une perte d’emploi, une maladie, une rupture amoureuse, une hausse de loyer abusive. »
  • « Avec la location d’un vaste local pour remiser notre matériel et stationner La bottine ainsi qu’une personne pour structurer nos opérations, Résiste à la rue pourra prendre sérieusement son envol.  »

Sur le web

On communique avec Patrick : resistealarue@gmail.com

resistealarue.ca
facebook.com/Resistealarue

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