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Dimanche, 09 février 2025

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« Où se situe le Québec environnemental en 2024 ?

Louis-Gilles Francoeur, retraité du Devoir,
revient sur la prise de conscience
gouvernementale et le désengagement
de l’État vert

Un texte d’Yves d’Avignon

Retraité depuis 2012 du quotidien Le Devoir et après avoir complété un mandat de cinq ans comme vice-présidence au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), le journaliste Louis-Gilles Francoeur, récent conférencier du Club Richelieu au restaurant Les Îles-en-Ville, est une âme indépendante. Explore est fier de lui poser quelques questions, lui qui reste vert, lors de son passage sur la… Promenade Wellington !

Analyste critique, Louis-Gilles-Francoeur – LGF pour les intimes -, ne doit plus d’explications à qui que ce soit pour parler d’écologie, de la survie de la planète, etc. « Je suis libre comme l’air, dit-il en plaçant l’appel sur mains libres !

Auteur de quelques milliers d’articles sur 40 ans, Louis-Gilles Francoeur a également commis quatre livres, dont La caution verte : le désengagement de l’État québécois (2022, avec Jonathan Ramacieri. Dans cette dernière portion de carrière, « le problème que j’avais, c’est que je ne pouvais pas prendre position sur ces sujets puisque je devais respecter une entière neutralité, ayant été assermenté en vertu de la loi sur les commissions d’enquête ».

Depuis 2018, « j’ai retrouvé mon droit de parole et travaillé avec plusieurs amis à recréer le Conseil québécois de l’environnement ».

Libre comme l’air

Or, dès le début de l’entrevue, la question qui tue : où en sommes-nous en janvier 2024 ? Y a-t-il vraiment une véritable prise de conscience écologique ou tout ce qui a été accompli au cours des 50 dernières années est trop peu ?

« On est en retard sur à peu près tous ces plans ! Sauf sur la couche d’ozone, où il y a eu de réels progrès à cause de l’entente internationale, et sur les changements climatiques », ajoute le commentateur. »

Au Québec, les trois derniers rapports du vérificateur général font la démonstration que le ministère de l’Environnement n’est pas en contrôle. Pire, avec les amendements qui ont été rapportés avec la loi 44, le ministère s’est fait retrancher une partie des contrôles financiers qui ont été confiés aux Ressources naturelles. Le ministère de l’Environnement n’a à peu près plus de contrôle sur ce ministère pourtant responsable de la politique énergétique.»

Que sont devenus les éléments de protection environnementale d’antan en ce qui a trait à la couche d’ozone, la pollution pétrolière de l’air, les pesticides, le réchauffement de la planète, l’effet de serre, l’épuisement des ressources naturelles. Il y a comme beaucoup à faire !

La famille Francoeur en entrevue au restaurant les Îles en Ville : le conférencier et journaliste Louis-Gilles Francoeur en compagnie de son épouse Denyse Valois et de leur fils Julien.

L’environnement en 2024

« Désormais, c’est la politique énergétique qui tient les principales clés du dossier. L’Environnement les a perdues ! Ce sont aussi les des ministères économiques qui profitent souvent des fonds dédiés au changement climatique. »

En fait, Pierre Fitzgibbon détient l’essentiel des clés car il détient les postes économiques importants avec le premier ministre, étant à la tête du ministère de l’Économie, de l’Innovation, de l’Énergie, celui du responsable du Développement économique régional et de la Métropole et de la région de Montréal.

 « La question que je me pose : est-ce que l’Environnement a un réel contrôle sur les différentes formes de pollution et sur les changements climatiques ? Très peu en réalité car il a peu de moyens à sa disposition. Son budget famélique équivaut à seulement un demi de 1% du budget de l’État québécois.»

« Simplement, ce ministère sert de caution au gouvernement pour donner à croire qu’on a une véritable politique environnementale. On n’a pas, malheureusement, un vrai ministère de l’environnement… »

« C’est pourquoi je soutiens qu’il faudrait en environnement l’équivalent de la commission Parent sur l’éducation, comme dans les années 60. En 2024, comment peut-on mettre le ministère de l’Environnement à l’écart des décisions gouvernementales comme dans le dossier Northvolt ? Il faut revoir les pouvoirs de ce ministère qui doit rester vert et non pas une succursale des ministères économiques. Il faut lui donner les moyens d’assumer les missions légales que l’Assemblée nationale a confiées à l’Environnement, dit-il.

« La santé de l’économie et celle de l’environnement ne sont pas sur le même pied. Le ministère québécois de l’Environnement détient un budget annuel qui équivaut à seulement trois jours du budget annuel du ministère de la Santé ! »

« Côté climat, la taxe carbone et le plafonnement des émissions des grands émetteurs demeurent les outils les plus efficaces. On l’a vu ailleurs comme en Europe dans le dossier des changements climatiques, et aux États-Unis dans le dossier des pluies acides. Au Canada, au Québec et en Californie, le plafonnement des émissions avec échanges de crédits, ça fonctionne. »

Aux abords du Saint-Laurent, près de l’hôpital Douglas, par un maussade jour de janvier où le journaliste était une nouvelle confronté par le mauvais temps. Photo Michel Cusson.

Opiniâtre, l’ami LGF !

La CAQ – « C’est le gouvernement qui a affiché le plus grand mépris des lois et règlements en environnement que j’ai vu en 30 ans de journalisme environnemental. »

Québec Solidaire à Verdun – Alejandra Zaga Mendez, « les Verdunois l’ont élue pour une première fois après un régime libéral. Depuis son accession, c’est la députée qui est responsable du dossier environnemental à l’Assemblée nationale. Je pense qu’il faut lui donner le temps de maîtriser ses dossiers mais elle a jusqu’à présent fait des interventions intéressantes. »

« Ses positions sont généralement plus étoffées que celles du gouvernement sur la question environnementale. »

Le PQ – « Le PQ a deux ans pour s’investir et dessiner sa politique en environnement et consolider sa position sur l’échiquier politique. Pour Paul Saint-Pierre-Plamondon, ces deux années seront une éternité. Il peut s’y passer tellement de choses, mais il semble sur la pointe d’un tremplin… »

Ce parti a une position plus sociale-démocrate, donc plus axée vers l’intérêt public que les positions plus à droite de la CAQ. Le PQ a une longue tradition en environnement. C’est lui qui a créé le ministère de l’Environnement, le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE). Moi, ça m’encourage de voir un tel parti défendre des positions solides en environnement. »

Justin Trudeau – « J’aurais peut-être à réviser ma position au niveau fédéral, selon la suite des choses. Je trouve que le PLC a offert des solutions qui ont fait avancer la problématique environnementale, même si ces avancées sont loin d’être à la hauteur des enjeux. Ça serait pire encore si Justin Trudeau perdait les élections au profit des conservateurs. Dans ce cas, j’estime que les maigres progrès des 10 dernières années vont être ‘scrappées’. »

Yves-François Blanchette – « Un ancien ministre de l’Environnement… Je suis content de voir quelqu’un qui comprend bien la problématique environnementale et qui avance des positions solides. C’est un bon gardien de but pour déjouer les passes qui peuvent se faire au niveau fédéral. »

Pierre Poilievre – Avec lui, on est « devant un mini-train de destruction des politiques environnementales, avec tous les impacts que ça peut avoir sur l’environnement. Ce genre de politique a été un désastre aux États-Unis avec Trump et ça risque d’être semblable au Canada. Les conservateurs prônent l’idée qu’ils veulent laisser les entreprises faire ce qu’ils veulent en les aidant avec une réduction des garde-fous en environnement. »

Donald Trump – La même chose mais avec une catastrophe anticipée multipliée par dix!

Souhait créatif et personnel

« Mon souhait, ce serait l’annonce d’une commission d’enquête élargie sur la gestion environnementale au Québec… Pour que l’on puisse avoir enfin un véritable gardien de but pour empêcher la détérioration de l’environnement. »

De fait, c’est un vœu très entendu depuis quelques années.

« Pas une Commission à la Charbonneau qui a changé, à mon avis, assez peu de choses fondamentales. Mais plutôt comme la commission Parent, qui a réussi à brasser toutes les cartes du système d’éducation dans les années 60 pour proposer une démocratisation de l’enseignement, basée sur des moyens concrets comme les cégeps, par exemple. Faut faire la même chose en environnement si on veut laisser aux nouvelles générations un Québec avec une nature en santé. »

« Le Québec mérite une telle réflexion en profondeur en environnement. Et cela passe par un véritable ministère de l’Environnement, autonome par rapport aux ministères économiques et capable de contrôler leurs frasques, avec le pouvoir et les moyens d’action pour réaliser toutes les missions que la population souhaite lui voir assumer dans ce domaine… »

Textes en ligne

Un adieu ? Plutôt un au revoir… (décembre 2012)

Coups de fil efficaces (septembre 2012)

Un autre texte d’Alexandre Shields Mai 2023

En Suède, Northvolt a tout changé (Radio-Canada, septembre 2023)

Lectures

La caution verte : Le désengagement de l’État québécois
Louis-Gilles Francoeur,  Jonathan Ramacieri
Papier, PDF, epub, 27 $ – 19,99 $. Parution de février 2022.

Guide citoyen du droit québécois de l’environnement
Jean Baril,  Louis-Gilles Francoeur  (préface)
Papier, PDF, 35 $ – 25,99 $. Parution de mai 2018.
Méditations sur la chasse
José Ortega Y Gasset, (préface de Louis-Gilles Francoeur)
Papier, 17,95 $. Parution août 2006.
Passion: Nature
Louis-Gilles Francoeur (préface et avant-propos de Daniel Pinard), et Bernard Descôteaux
Papier, PDF, 29,95 $ – 21,99 $. Parution octobre 2007.

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