Le suicide chez les jeunes est une urgence sanitaire et sociale. Chez les aînés, ce geste n’est pas très loin d’un décès naturel lié à l’âge. Pourtant, n’ont-ils pas choisi de se donner la mort !
Un dossier d’Ahmed Chetioui
Les facteurs suivants sont plus spécifiques aux risques de conduites suicidaires chez la personne âgée :
- La dépression majeure ;
- Les troubles cognitifs qui induisent une désinhibition ou de l’impulsivité ;
- Les maladies chroniques, les handicaps physiques, et la dépendance dans les activités de la vie quotidienne associée à certains problèmes, de même que la douleur chronique (Cornwell et al, 2011) ;
- L’abus et le mauvais usage de médicament ;
- Un intérêt ou un désintérêt pour la spiritualité ou la religion ;
- L’accumulation de pertes (perte du conjoint, perte du réseau social, notamment d’amis, de confidents, de relations ou d’un rôle dans la société, d’un travail (retraite), perte d’estime de soi et de l’auto-efficacité, perte d’autonomie et de capacités physiques, présence de conflits liés à la violence familiale envers les aînés).
- Le veuvage, particulièrement chez les hommes ;
- L’anticipation d’un déménagement dans un centre d’hébergement ;
- Les difficultés ou l’incapacité à demander de l’aide.
Les professionnels en gériatrie le répètent : les chiffres sont alarmants. Chez les sujets âgés, le taux de suicide s’élève à 20 % contre 9 % pour le reste de la population. Chez les plus de 65 ans, et particulièrement les hommes, un tiers décède par suicide.
Et encore, les chiffres seraient sous-estimés avec des certificats de décès ne mentionnant pas le suicide pour des questions aussi triviales que la perception d’assurances bancaires, la réputation d’un centre institutionnel ou d’une RPA… Sans oublier toutes les conduites suicidaires occasionnant la mort, comme des accidents de la route, l’arrêt volontaire de traitement, le syndrome de glissement où les personnes se laissent mourir… Ceux-là, on ne les comptabilise pas toujours.
Autre donnée saisissante : pendant les premiers mois de la crise sanitaire, le nombre de suicides dans la population générale a baissé. Seul celui des personnes âgées a stagné.
S’il existe un manque de qualification du geste, le plus inquiétant reste le manque de prévention et de diagnostic du risque. Des pistes pour soigner la douleur psychique émergent déjà. Il s’agit de comprendre le processus suicidaire en étudiant les bases cognitives de la vulnérabilité suicidaire, à travers la neuropsychologie et neuro-imagerie.
Notamment mieux saisir le lien étroit entre dépression et suicide. Les personnes âgées témoignent de leur souffrance à être un poids pour leurs proches, pour la société, ils sont seuls, voient leurs amis mourir, doivent parfois quitter leur maison. Tout cela est très lourd à vivre. Il faut le rappeler, l’être humain est un être social. L’isolement le tue.
Ils nous arrivent en tant que professionnels d’entendre souvent cette petite phrase : « Je ferais mieux de partir ». La petite phrase que l’entourage finit par ne plus entendre ou minimise. Elle était un peu déprimée, prenait des médicaments, mais comme tant de gens… Un soir, elle s’est couchée après avoir appelé ses proches, elle était plutôt de bonne humeur. Le lendemain, ne la voyant pas, on rentre dans sa chambre. Elle s’était suicidée par surdose de médicaments.
Ce sont ces mots, ces attitudes que les professionnels aimeraient aider à mieux détecter. Souvent, le sujet âgé ne se plaint pas, pensant qu’on ne l’écoute plus. Un mélange de pudeur, de peur de déranger.
La formation des soignants est une préconisation forte : du médecin de famille, aux aidants familiaux et sociaux intervenant à domicile, en passant évidemment par le personnel hospitalier et dans les institutions, nous devons apprendre à écouter l’idée suicidaire.