Texte de Bérengère Ruest
Photo de Michel Cusson
Au même titre que les petits commerces, les organismes communautaires de Verdun pâtissent de l’augmentation incontrôlée des loyers commerciaux. Bien souvent dépendants financièrement de subventions ponctuelles et de dons, plusieurs organismes se retrouvent dans l’impossibilité de se loger dans le quartier.
Or, ces organismes desservent les populations les plus vulnérables de Verdun – aînés, jeunes décrocheurs, familles immigrantes, personnes à faibles revenus, enfants en difficulté. Si Verdun est un arrondissement qui a la chance de pouvoir compter sur la vitalité du tissu communautaire, grâce à des organismes implantés là depuis des dizaines d’années, la nouvelle donne immobilière est une menace qui concerne l’ensemble des résidents.
Toutefois, face à ce constat inquiétant et à l’urgence de trouver des solutions, certains se retroussent les manches. Nous avons rencontré Julie Lambert, directrice générale de l’école de musique l’Harmonie Richelieu Verdun, qui s’implique depuis près d’un an dans un projet d’achat immobilier pour héberger les organismes de Verdun à un coût inférieur à celui du marché. Pédagogue et musicienne polyvalente assoiffée d’apprentissage, Julie est aussi une rassembleuse. Habituée à faire jouer ensemble différents instruments et des musiciens de différents niveaux, son charisme et sa capacité à fédérer des personnes autour d’une idée pourraient s’avérer déterminants pour l’avenir de Verdun.
Pouvez-vous nous parler de ce projet d’achat ? Qui en est à l’origine et où en êtes-vous dans le processus d’achat ?
Ce projet d’achat est une initiative de l’Échelle Abordable (1), une organisation dont la mission est de développer des projets d’espaces commerciaux abordables pour des organismes à but non lucratif ou des entreprises d’économie sociale. Simon Mammone, le directeur général de l’Échelle Abordable, est lui-même un résident du quartier.
Nous avons fait une offre d’achat pour un immeuble qui a une superficie d’environ 20 000 pieds carrés, qui pourrait donc accueillir plusieurs organismes. L’offre est acceptée sous condition de financement : nous avons soixante jours pour faire nos démarches auprès des bailleurs de fonds et surtout trouver des organismes prêts à embarquer dans le projet, qui deviendraient membres fondateurs et copropriétaires du bâtiment. Mais c’est très complexe car même les organismes qui ont besoin de locaux n’ont pas beaucoup d’argent et il faut une mise de fonds pour devenir propriétaire. La mise de fonds est nécessaire pour prouver la solidité de notre projet et l’intérêt des différents partenaires. C’est une prise de risque, mais c’est la seule façon d’avancer.
Pour vous, en quoi cet achat pourrait servir la communauté de Verdun?
Verdun a une véritable richesse au niveau de ses organismes communautaires et je trouve ça vraiment dommage qu’il n’y ait pas de lieu pour les accueillir. Nous nous inspirons beaucoup de ce qui existe dans d’autres arrondissements, notamment le Centre de services communautaires du Monastère, sur le Plateau. L’objectif d’un tel projet, c’est d’héberger une diversité d’organismes qui servent différentes populations de Verdun et qu’il y ait une véritable collaboration entre les services. Par exemple, s’il y a une famille immigrante qui vient chercher du soutien en francisation, elle peut aussi avoir sur place une aide à la recherche d’emploi ou de l’aide aux devoirs pour les enfants, etc.
On parle beaucoup de logement social et de la difficulté des gens à se loger. Mais si cette population n’a pas non plus accès à des services de proximité, on est pas plus avancés! Et les organismes qui passent leur temps à chercher des locaux abordables ou des subventions pour se loger passent d’autant moins de temps à se consacrer à leur mission réelle.
Quelle est la situation de l’Harmonie Richelieu Verdun?
Pendant des années nous avons été hébergés gracieusement par le CSSMB. Ça s’est malheureusement arrêté en 2018. La particularité de l’Harmonie, c’est qu’on est une école de musique: on fait du bruit! Nous sommes allés quelques années dans le sous-sol de l’église Saint Thomas More, sur Bannantyne, et en ce moment nous partageons les locaux des Madelinots sur Wellington. Ça dépanne, mais ce n’est pas idéal car nous avons des restrictions. Et nous sommes passés de la gratuité totale à devoir payer des loyers, ce qui nous a obligés à revoir toute notre politique de prix. À l’Harmonie nous offrons des cours de groupe qui ont pour vocation de rester abordables et accessibles à toute la population.