Les jours d’hiver, Giannina se frayait un chemin entre les bottes et les manteaux tombés à terre pour pouvoir entrer dans l’appartement. Puis, elle s’installait sur la table de la cuisine où l’attendaient les jumelles. Mélodie et Océane, petites dernières d’une fratrie de cinq, se lançaient alors dans le récit de leur journée, se disputant l’attention de la bénévole en la tirant par la manche. Pas très loin d’elles, Michel, leur grand frère, faisait ses devoirs en prêtant l’oreille. C’est avec lui que Giannina avait commencé à lire l’année précédente, jusqu’à ce qu’il n’ait plus besoin d’aide. Mais lorsque ses sœurs se plongeaient dans un livre qui lui plaisait, il se rapprochait et demandait à Giannina: « Est-ce que je peux lire à ta place?»
Ce n’était pas toujours facile de satisfaire les deux sœurs : Océane aimait les livres d’aventures rocambolesques ; Mélodie ne voulait rien savoir d’une histoire sans fées ni princesses. En revanche, pour jouer au bonhomme pendu, tout le monde était d’accord. D’autant plus que Giannina se faisait souvent prendre avec les mots choisis par les enfants. Au-delà de la lecture, ce sont les rires qui emplissaient alors la petite cuisine!
« Il y a toujours eu de la lecture chez moi », se souvient la bénévole. « Quand on était malades, maman allait nous chercher des livres. Elle n’avait pas beaucoup d’éducation, mais elle aimait lire. Mon père, c’était le journal, toujours sur la table de la cuisine. Quand j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup d’enfants au Québec qui ne lisaient pas pour le plaisir, ça m’a interpellée. » Et c’est ainsi que Giannina, tombée dans la marmite de la potion Jamique, il y a près de trente ans, a décidé de transmettre un peu de cet enchantement.
Quant à Mélodie et Océane, elles terminent leur secondaire III. Et d’après Sylvie, leur maman, la lecture est toujours présente dans leur vie: « Grâce à Giannina, mes enfants sont tous devenus de grands lecteurs».
Julie Durocher