Par Marek Zielinski
Une promenade sur la Wellington permet de constater l’effet de la pandémie sur les nombreux commerces, surtout de ceux liés à la gastronomie. Les restrictions récentes remettent en cause la survie même de certains restaurants. D’autres secteurs économiques subissent la pandémie également, bien que d’une autre manière.
L’industrie de l’automobile en est un exemple éloquent. Nous nous sommes entretenus avec M. Jean-Claude Gravel, président du Groupe Gravel Automobile, qui regroupe six concessionnaires, dont deux sur l’Île-des-Sœurs, et qui emploie près de 225 personnes. Le problème principal qui touche cette industrie est celui de l’offre. La demande ne fléchit pas, malgré les restrictions et le télétravail. Les consommateurs sont prêts à attendre plusieurs semaines pour la livraison de leur véhicule – le délai qui est causé par le niveau inhabituellement bas de l’inventaire chez les concessionnaires.
La cause principale vient de la sous-traitance, qui se fait désormais à l’échelle mondiale et qui fournit les pièces de rechange et les composants sans lesquels l’assemblage d’une voiture est compromis. Le degré de la progression de la pandémie varie selon les pays, ainsi que leur réponse face à elle. Le niveau de vaccination diffère également. L’absentéisme, le lockout et les restrictions causent fermeture d’usines. La pénurie qui en résulte est très difficilement gérable, car les centres décisionnels sont éparpillés dans différents pays sur différents continents. La chaine de production, inventée et mise en pratique par Henry Ford, est devenue planétaire. Une usine, spécialisée dans la fabrication d’un des composants, qui ferme en Inde, prive un lieu d’assemblage situé au Canada, aux États-Unis ou encore ailleurs, des pièces nécessaires à la production. On peut parler de certains effets néfastes de la mondialisation, qui doit être repensée et remodelée. La réduction des coûts qui, jusqu’à maintenant, a justifié ce modèle, n’est plus suffisante aujourd’hui. Espérons que la pandémie laissera dans son sillage une nouvelle vision et approche de la globalisation.
La voiture électrique, dont la part de marché augmente d’une année à l’autre, n’échappe pas à cette fatalité, elle est même encore plus vulnérable. Un véhicule à combustion ordinaire requiert entre 10 et 15 micro puces, tandis qu’une voiture électrique – 50. La production de micro puces demande des investissements importants ainsi qu’une main d’œuvre hautement spécialisée et peu des pays répondent à ces exigences.
Les experts s’attendent à ce que la situation se redresse aux alentours du mois de septembre de cette année, mais elle dépend entièrement des aléas de la pandémie, qui est assez imprévisible et, dans certains pays, pratiquement ingérable. Du côté de concessionnaires, avant la pandémie, l’inventaire s’élevait à 60-75 millions $ en véhicules neufs… Aujourd’hui, il est tombé à 5-6 millions $. Si ça diminue les frais d’inventaire – probablement le seul élément positif dans l’équation -, elle provoque d’un autre côté des délais d’attente pouvant aller jusqu’à plusieurs semaines.
M. Gravel tenait à offrir un conseil d’expert à tous ceux qui décident d’acquérir une voiture neuve : ne vous débarrassez pas de votre véhicule actuel avant la date de la livraison de votre nouveau « char » ! Dans son quotidien de concessionnaire, M. Gravel a vu les « impatients » obligés de se procurer une voiture de remplacement ou même d’en louer une, juste pour pouvoir se rendre au travail. Un piège à éviter donc, et une bonne occasion pour développer la vertu de patience.
Le fait que la demande n’a pas baissé durant la pandémie semble encourageant : il signifie que les consommateurs disposent des moyens nécessaires à l’acquisition d’une voiture neuve et qu’en général leurs habitudes de vie n’ont pas été altérées par les restrictions. Il est permis d’espérer que le printemps prochain apportera non seulement le dégel et le temps doux, mais qu’il signera également un retour progressif à la vie pré-pandémique, enrichie toutefois par la réflexion que cette parenthèse nous a permis de faire.