Il a huit ans, peut-être neuf, les yeux et les cheveux noirs comme du charbon. Il est né ici à Verdun. Il vit dans un joli haut de duplex de l’ouest de l’arrondissement avec sa mère, son père, sa grande sœur Fanny et son chat Marius. Une famille unie, heureuse et réconfortante.
Antoine est inquiet, le croyant endormi, il a entendu ses parents discuter hier soir. Ils parlaient de déménagement. Ils avaient l’air heureux en plus… Sa mère murmurait depuis la cuisine :
– On avertit les enfants demain, mon chéri. Comment vont-ils réagir ?
C’est donc vrai, songe Antoine en fermant la porte grinçante de sa chambre. On va partir d’ici ! J’aurai plus ma bibliothèque au coin de la rue, mon terrain de tennis. C’est affreux, et Fanny qui ne sait rien. Il a passé une partie de la nuit à imaginer le pire. Marius va se perdre, il ne connait que la ruelle, j’aurai plus mes amis autour, j’vais changer d’école c’est sûr… J’veux pas !
Le lendemain matin, au petit déjeuner, sa mère lui trouve mauvaise mine, souriante malgré tout. Elle lui glisse une enveloppe blanche bordée de marguerites qui contient un petit mot sans doute.
- Tiens Antoine, lui dit-elle, tu liras cela quand tu seras tout seul !
Après avoir engloutit son yaourt, ses petits fruits et sa toast au beurre d’arachides, il va s’habiller pour l’école. Fanny est déjà partie. Avant de quitter sa chambre, il ouvre l’enveloppe .
Antoine, mon grand
J’ai une nouvelle importante à t’annoncer. Comme tu sais, nous habitons ce magnifique appartement depuis ta naissance, et même avant. Ton père et moi avons pris une grande décision qui concerne notre fabuleuse famille. Ta sœur le sait depuis tantôt, et maintenant c’est à ton tour d’être mis au courant. Nous savons, ton père et moi, combien tu aimes le quartier, les amis et ton école. Tu es très attaché à tout cela, c’est normal. Je t’annonce que nous avons acheté notre maison et que nous allons déménager en bas en juillet.
Maman qui t’aime
– Quoi ! s’écrie Antoine, fou de joie en sortant de sa chambre. Maman je suis tellement content. Ya rien qui va changer, même Marius va rester le roi incontesté de notre ruelle. C’est la « plusse » meilleure nouvelle au monde, le plus beau cadeau de Pâques, j’peux-tu le dire à mon ami Charles ? Wow ! j’suis trop content maman ! Bye !
Il sort, la boîte à lunch d’une main, le sac à dos de l’autre. Depuis la bay-window du salon, elle surveille son petit homme. Il sautille de joie et rejoint son ami au coin de la rue. Un bien grand bonheur pour un si petit homme.
Contente de son coup, elle se prépare à son tour et s’installe au travail à la maison, tout de mou vêtue, avec un deuxième café chaud. Pendant ce temps Marius fait les cent coups derrière le dépanneur.